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Articles portant sur l’histoire du Japon

Origine et composition du peuple japonais

Le Japon compte à ce jour 126 millions d’habitants. Il y a peu de minorités : essentiellement des coréens (600 000, Nord et Sud) et aussi des chinois de Taiwan.

Quant aux origines exactes du peuple japonais, elles demeurent toujours mystérieuses.

A commencer par les origines de sa langue, méconnues. On lui trouve des similitudes avec la famille altaïque (turc, mongol, tongous, coréen) au niveau de la syntaxe, la phonologie et la sémantique. La sémantique pourrait aussi s’apparenter avec les langues malayo-polynésiennes.
Bref, elle ne s’apparente vraiment à aucune autre famille linguistique, et cette spécificité laisse à penser qu’elle a des origines très lointaines. On considère qu’au III° siècle av JC, les habitant parlaient déjà une langue ancêtre du japonais actuel.

Quant aux recherches sur l’origine ethnique du peuple, elles ont été longtemps génées par la doctrine officielle qui prônait l’homogénéité absolue du peuple japonais.

On a pensé un temps que les Aïnous étaient la population originelle du Japon. Il s’agit d’une communauté très ancienne et mystérieuse, dont une petite population (20 000) survit encore au nord du Japon, à Hokkaido.
Longtemps considérés comme une population barbarre, ils se différencient d’abord physiquement en ce sens qu’ils ressemblent plus à des caucasiens, mais aussi culturellement. Ils commencèrent à pratiquer l’agriculture vers le XIIIème siècle, ont développé une littérature orale et une culture étroitement liée à la nature dont ils dépendaient fortement (la vénération des animaux était au centre de leur vie et de leur artisanat). Poussés à l’assimilation au monde moderne, peu d’entre eux parlent encore leur langue et leur civilisation est sur le point de disparaître.

aïnou

Ainous en habit traditionnel

habitat  ainou

style des constructions Ainous (grenier)

En tout cas, il est maintenant établi que les aïnous n’ont jamais été la population originelle et dominante du Japon, comme certaines anciennes thèses laissaient penser qu’ils avaient été décimés par des envahisseurs venus du continent. En effet, les squelettes du Néolithique montrent que les habitants étaient alors plus proches des japonais actuels que des aïnous.

Le Japon a également connu des apports de nouvelles populations venues du continent, Chine, Corée, Sibérie, Mongolie. Cependant, du fait de l’insularité du pays, ces arrivées n’ont jamais été massives.

mongol mongol
les mongoles, peut-être les ancêtre des japonais

On constate, entre le III° siècle av JC et le III° siècle ap JC (période Yayoi), un allongement de la taille des squelettes retrouvés : était-ce dû à une invasion de populations venues du nord de l’Asie (mongoles) ? Ou à une meilleure alimentation tirant bénéfice de la riziculture naissante ? Aucun élément ne le détermine.

En conclusion, on peut dire que nul ne connait les origines du peuple japonais, comme de sa langue, et qu’on se perd en suppositions.
Certes ce n’est pas un peuple homogène, mais il n’y a pas eu d’apports significatifs de populations dans l’histoire (à défaut de connaissances sur la préhistoire).
Pour preuve de son isolement, le Japon n’a connu au début de son histoire certaines techniques du continent qu’avec grand retard. Par exemple, le bronze et l’écriture connus dès 1500 av JC en Chine ne sont apparus qu’aux alentours de notre ère (JC) au Japon !

Chronologie de l’Histoire japonaise

Dans cette chronologie vous trouverez les points importants de l’Histoire du Japon en guise de repères temporels. Chacunes de ses périodes font déjà ou feront l’objet d’articles dans notre rubrique culture, afin de donner toutes les explications et commentaires nécessaires.

Ere
Ere chrétienne
Dates clés
Paleolithique ~100 000 avJC Débuts d’activité humaine sur l’achipel nippon.
~30 000 avJC Entrée tardive dans l’âge paléolitique.
Jomon ~10 000 avJC. Premières utilisations de poteries dans l’archipel (les plus anciennes du monde).
~7000 avJC Premières productions de figurines d’argile.
~3000 avJC. Premiers établissements de communautés Jomon importantes.
Yayoi 300 avJC Etablissement de la culture Yayoi au nord de Kyushu. Début de la culture du riz.
57 Le roi Na des Wa (japonais) envoie un tribut à la dynastie chinoise des Hans et se voit offert en retour un sceau en or.
~200 Premières construction de grandes tombes dans l’ouest du Japon.
239 La reine Himiko des Yamatai au royaume Wa envoie des émissaires à l’empereur Wei en Chine.
Kofun ~300 Des monticules funéraires en forme de trou de serrure sont construits un peu partout à l’ouest du Japon.
391 Le royaume Wa envoie des troupes sur la péninsule coréenne. Des rites religieux commencent à cette époque à Okinoshima, loin de la côte de Kyushu.
421 Le roi Wa commence à envoyer des tributs à la cour du sud en Chine (jusqu’en 478).
471 Age des forges d’épées en fer, découvertes dans une tombe de la préfecture Saitama.
Kofun Asuka 552 Le bouddhisme est introduit en provenance de la péninsule coréenne par Paekche. (538 selon une autre théorie). Diverses luttes de pouvoir s’ensuivront.
600 Le roi des Wa envoie des émissaires à la dynastie Sui en Chine.
604 Le prince Shotoku crée le 17ème article de la constitution.
630 Des émissaires sont envoyés à la dynastie Tang en Chine.
645 Les réformes de Taika.
663 Les troupes japonaises sont défaites par les troupes de Tang et de Silla sur la péninsule coréenne. Les défenses de l’ouest du Japon sont renforcées.
701 Accomplissement du Code de Taiho Ritsuryo (premier système de lois). Etablissement d’un état basé sur ces lois.
Nara 710 La capitale est déplacée à Heijokyo (Nara).
712 Le Kojiki, première chronique historique du Japon
724 Construction du château de Tagajo dans la région Tohoku.
752 Achèvement du Grand Buddha dans le temple Todajii.
758 Les effets de l’empereur Shomu sont déplacés à Todajii. Construction de Shosoin.
Heian 794 Transfert de la capitale à Heiankyo (Kyoto).
801 Des guerriers envoyés au nord de Honshu combattent des tribus Ezo.
823 Kukai, figure importante du bouddhisme shingon dirige le temple de Toji.
866 Première régence du clan Fujiwara.
894 La pratique d’envois d’émissaires en Chine est interrompue.
940 Premier soulèvement mené par un guerrier du clan Taira.
995 Fujiwara Michinaga prend les rêne du pouvoir. Prospérité de la famille Fujiwara.
1005 Murasaki Shikibu, dame de la cour, écrit Le Dit du Genji.
1052 Des buttes de rite Sutra sont créés en grand nombre, dans la croyance que Mappo (L’âge du déclin) avait débuté.
1087 Abdication de l’empereur Shirakawa, premier monarque cloîtré.
Kamakura 1160 Conduit par Taira no Kiyomori, le clan Taira supprime les Minamoto et domine la cour.
1180 Minamoto Yoritomo établit son quartier général à Kamakura (le bakufu). Le clan Minamoto défie les Taira.
1192 Yoritomo devient Seii tai shogun (“Le général des barbares conquérants”) et établit le shogunat de Kamakura.
1224 Le moine Shiren fonde la secte Jodo Shinshu (secte Ikko).
1242 Mort de l’empereur Shijo, sans désignation d’héritier. Lutte pour la succession.
1274 1ère tentative d’invasion mongole (20 000), repoussée.
1275 Le moine Ippen fonde la secte Ji.
1281 2ème tentative d’invasion mongole (100 000), anéantie par un typhon (d’où kamikaze, vent divin).
Nanbokucho 1333 Effondrement du shogunat de Kamakura, qui s’embrase dans la guerre.
Muromachi 1338 Ashikaga Takauji devient shogun et fonde le shogunat de Muromachi.
1350 Des pirates japonais commencent des raids sur les côtes chinoises.
1401 Ashikaga Yoshimitsu restaure des relations avec les Ming en Chine. Ashikaga est reconnu par la cour Ming court comme “Roi du Japon”.
1422 Sho Hashi unifie la totalité de l’île d’Okinawa et devient le Roi de Ryuku.
1428 Soulèvement paysan à Kyoto.
1441 Do ikki le soulèvement de Kyoto donne lieu à l’édit Tokusei. L’art de la cérémonie du thé atteint son apogée à cette époque.
1467 Guerre de l’Onin (1477), dévastatrice. Kyoto sera en grande partie enflammée.
1488 Le soulèvement Ikko ikki éclate à Kaga et affranchit cette province.
1531 Asakura Norikage réprime l’Ikko ikki.
1536 Date Tanemune établit le Jinkaishu qui met en place les domaines. Les Daimyo, seigneurs des domaines, commence à établir en différents endroits leurs propres systèmes légaux.
1543 Les portugais apportent les armes à feu à Tanegashima.
1549 Francis Xavier arrive au Japon pour commencer des activités de missionnaire.
Momoyama 1560 Oda Nobunaga se bat avec succès en faveur de l’hégémonie du Japon (1580).
1573 Chute de la famille de daimyo Asakura à Ichijodani, province Echizen.
1590 Toyotomi Hideyoshi unifie la totalité du Japon. Premières impressions d’ouvrages occidentaux en japonais écrit avec des caractères latin.
1592 Hideyoshi envoie des troupes en Corée.
1597 Répressions violentes contre les chrétiens à Nagasaki.
Edo 1603 Tokugawa Ieyasu devient Seii tai shogun, et établit le shogunat d’Edo, après avoir remporté la bataille de Sekigahara (1600)..
1614 Le christianisme est interdit.
1619 Le hishigaki kaisen établit une liaison de commerce régulière par la mer avec de grands voiliers cargos de commerce.
1635 Le shogunat interdit aux japonais de voyager à l’étranger. Début du sankin kotai, système qui imposait au daimyo d’alterner des années de séjour à Edo, près de l’empereur. Construction de routes nationales.
1639 L’entrée des navires portugais est interdite. Début du sakoku, pèriode durant laquelle le Japon s’est fermé au monde extérieur.
1641 La mission de commerce hollandaise est déplacée à Nagasaki, sur l’île artificielle Dejima, qui devient le seul port au Japon ou le commerce avec les étrangers (seuls les chinois et les hollandais) est autorisé.
1649 Promulgation du Keian no ofuregaki, un document définissant les devoirs et la conduite des fermiers.
1657 Le grand incendie d’Edo (100 000 morts). A sa suite, de grands espaces furent créés dans la ville pour prévenir de prochains incendies.
1669 Rebellion Ainu à Ezochi (Hokkaido).
1671 Kawamura Zuiken ouvre une route maritime à l’est. L’année suivante une route maritime est établie à l’ouest.
1688 Début de la période Genroku (jusqu’en 1703). Dévelopement de la culture d’Edo (Kabuki et Bunraku).
1707 Dernière éruption du mont Fuji.
1723 Les suicides d’amants malheureux provoqués par la rigidité des coutumes et de la hierarchie au cours de cette ère atteignent leur apogée.
1732 Famine Kyoho . Les réserves de riz s’épuisent et son prix s’envole.
1778 Des navires russes arrivent à Ezochi et demandent du commerce.
1782 Famine Tenmei. 900 000 personnes périssent.
1821 Ino Tadataka produit la première carte très précise des côtes japonaises.
1828 Franz von Siebold, un physicien allemand arrivé avec la mission hollandaise, est banni du Japon pour avoir fait sortir des cartes du Japon à l’étranger.
1831 Publication des Trente-Six Vues du Mont Fuji par Hokusai.
1853 L’amiral Perry arrive dans la baie d’Edo et demande l’ouverture des ports japonais.
1854 Le Japon conclut un traité d’amitié avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la France et la Hollande. Les ports de Nagasaki, Hakodate et Shimoda sont ouverts au commerce avec les étrangers.
Meiji 1868 Restauration Meiji. Edo’ est renommée en Tokyo (“Capitale de l’Est”) .
1869 Début de la colonisation d’Hokkaido.
1879 Les îles Ryuku deviennent la préfecture Okinawa.
1889 Promulgation de la constitution de l’Empire du Japon.
1894 Début de la guerre sino-japonaise.
1895 La Chine cède des territoires au Japon, mettant ainsi fin à la guerre. La Russie, la France et l’Allemagne forcent le Japon à les restituer.
1904 Eclatement de la guerre Russo-Japonaise.
1905 Le traité de Portsmouth met fin à la guerre. La Corée devient un protectorat japonais.
1910 La Corée devient une colonie japonaise..
Taisho 1915 Le Japon présent à la Chine un ensemble de 21 requêtes pour étendre ses droits en Chine.
Showa 1927 Début de la crise financière. Le gouvernement déclare un moratoire sur la valeur de l’or.
1931 L’incident Liutaochu Incident est utilisé comme prétexte pour des opérations militaires dans le nord-est de la Chine. Début de l’invasion.
1932 Le 15 mai, de jeunes officiers navals assassinent le premier ministre et tentent un coup d’état.
1933 Le Japon se retire de la Ligue des Nations.
1941 Début de la guerre du Pacifique.
1945 Bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, reddition du Japon.
1946 Promulgation de la constitution du Japon. Réformes agraires.
1951 Signature du traité de San Francisco.
1964 Jeux Olympiques de Tokyo. Début de la nouvelle ligne de chemin de fer de Tokaido (Shinkansen). Instauration d’un système économique libéral. Développement de l’industrie informatique.
1967 Eclatement de la maladie itaiitai dans la préfecture Toyama (premier cas de maladie dû à la pollution causée par les rejets industriels).
1983 Ouverture du musée national de l’Histoire japonaise.
1989 Mort de l’empereur Hirohito ; Akihito lui succède.
1995 Grand séisme de Kobe ; un groupuscule obscure commet l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo.

L’écriture japonaise

L’écriture est apparue au Japon assez tard, problement vers le III° siècle, date à laquelle on trouve les premières sources écrites japonaises.

L’écriture chinoise a été dans un premier temps importée intégralement du continent. L’empire chinois était alors très puissant, et exerçait une influence culturelle forte sur ses voisins. Ainsi, jusqu’au VIII° siècle, le chinois fut la langue des écrits officiels, comme le latin au Moyen-âge européen, malgré la volonté grandissante de l’Etat de Yamoto, premier état du Japon, de traiter d’égal à égal avec la Chine.

Ensuite, les japonais commencèrent à utiliser les caractères chinois pour écrire phonétiquement les mots de la langue indigène, ancêtre du japonais moderne. Les caractères japonais perdaient ainsi (parfois) leur sens et surtout leur prononciation originelle, au profit du sens et de la prononciation japonaise.

A partir du IX° siècle, des signes spécifiques, les “kana”, entrèrent en usage. Ils sont de deux types et on peut les assimiler à deux alphabets syllabiques de 48 caractères chacun (dont 2 ne sont plus utilisés) :

– les Katakana : un fragment de caractère chinois a été conservé pour composer chaque caractère ; il est utilisé principalement pour transcrire des mots de provenances et de sonorités étrangères, ou pour une mise en évidence syntaxique;

Exemple Katakana :

コンピュ-タ-

computa pour computer (ordinateur)

– les Hiragana : les caractères d’origine ont été ici représentés dans une forme plus cursive ; c’est l’alphabet du japonais par définition, utilisé pour écrire les mots japonais, les terminaisons, les particules, etc.

Exemple Hiragana :

こんにちは

konichiwa (bonjour)

La catégorie des Kanji rassemble tous les caractères chinois, toujours utilisés aujourd’hui. Il en existe des milliers, dont la connaissance sera une indication d’érudition. En moyenne, un japonais, pour son usage courant, apprend tout au long de son cursus scolaire à en connaître 2000. Des test officiels (Kanji/Kentei) permettent aux japonais, quel que soit leur âge, de valider leur connaissance des Kanji avec un système de grades (un peu comme le TOEIC pour l’anglais).

Exemples Kanji :

日本語

Nihongo (japonais), en hiragana : にほんご

arashi (ouragan), en hiragana : あらし

Le Kanji est préféré à l’Hiragana, car d’une part il montre une certaine éducation (les enfants apprennent à écrire avec l’hiragana), et surtout parce qu’il fait appel à la mémoire photographique. La forme d’un Kanji évoque quasi-instantannément son sens à un japonais, au contraire d’un mot codifié en hiragana qu’il faut déchiffrer de syllabe en syllabe.

Hormis le fait que les Kanji sont difficiles à apprendre, une fois maîtrisés, ils sont donc un incontestable avantage : très courts et très rapides.

Ainsi, dans n’importe quel écrit japonais, les trois systèmes d’écritures se mélangent : les Hiragana pour les particules grammaticales et certains verbes, les Kanji pour un grand nombre de mots et enfin les Katakana s’il y a des mots d’origine étrangère.

Cette singularité de l’écriture japonaise en fait la plus complexe au monde.

Je vous invite à découvrir les grilles complètes des Hiragana et des Katakana, ainsi que quelques Kanji, dans la section “cours de japonais“.

Enfin, regardez ces exemples de création d’un idéogramme Kanji. Ils sont très parlant et montrent bien l’origine et l’essence visuelle d’un idéogramme, imaginé à partir d’une image puis déformé et stylisé au fil du temps (je ne vous ferai pas l’injure de traduire les mots anglais) :

competition kanjis père et gros

Histoire et conception du Droit au Japon

Malgré toute la prudence qu’une telle démarche ne manque pas d’imposer et au-delà des divergences doctrinales, les juristes français définissent traditionnellement le droit, soit sous un angle objectif comme un ensemble de règles sanctionnées par l’Etat et participant prioritairement au maintien de l’ordre social, soit sous un angle subjectif comme l’ensemble des prérogatives individuelles qui permettent à son titulaire de faire, d’exiger ou d’interdire quelque chose.

Or, de manière globale, la culture juridique japonaise n’adhère à aucune de ces deux définitions. En témoigne la langue, dans laquelle on ne trouve pas d’équivalent au vocable « droit ». Néanmoins, la nécessité conduit à établir des rapprochements. Ainsi, correspond-il plutôt à notre notion de droit objectif et kenri renvoie-t-il à celle de droit subjectif. Toutefois, ce phénomène n’est pas propre au Japon : il touche l’ensemble de l’Extrême Orient.

En effet, les peuples extrême-orientaux ne placent pas leur confiance dans le droit pour assurer l’ordre social et la justice. Certes, il existe un droit, mais il ne joue qu’un rôle subsidiaire. La préservation de l’ordre social repose essentiellement sur des méthodes de persuasion, sur des techniques de médiation et de conciliation propres à préserver l’harmonie et ressortissant de normes de comportement (giri). Ces dernières observées par crainte du mépris social sont très proches du li chinois.

Aujourd’hui, la conception, que les Japonais se font du droit, est le résultat d’une histoire pluriséculaire, dans laquelle se rencontrent et se mêlent pensée asiatique, spécificité japonaise et technique occidentale. Dans cette lente évolution, une étape charnière se dégage, autour de laquelle s’articulent les deux grandes phases de l’histoire juridique japonaise. C’est en 1868, que l’empereur Meiji décide d’ouvrir son pays au monde. Jusque là, le Japon était un Etat replié sur lui-même, dont le système juridique se faisait l’écho. En effet, le droit était encore marqué des traces de conceptions essentiellement asiatiques et très anciennes (I). Avec les réformes de Meiji, des changements radicaux furent infligés à la société japonaise, qui eurent aussi pour impact de faire entrer le droit japonais dans son ère moderne (II).

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^ la cour suprême du Japon, Tokyo

I/ La conception traditionnelle du droit : entre influence chinoise et originalité japonaise

Jusqu’en 1853, les relations extérieures du Japon se font principalement avec la Chine. Dès lors, il n’y a rien d’étonnant à ce que les premières traces de droit au Japon soient le reflet d’une influence chinoise (A). Néanmoins, les conceptions chinoises ne constituent qu’un point de départ, un substrat sur lequel s’édifiera peu à peu un droit original tributaire de l’organisation féodale (B).

A/ L’influence chinoise (600-850 ap. J.-C.)

Les premiers recueils juridiques (ritsu-ryô) sont élaborés sur un modèle chinois et remontent au début de la période Taika (646 ap. J.-C.). A cette époque, la société japonaise, strictement divisée en rangs, est placée sous l’autorité directe d’un empereur (tenno ou mikado), qui veille à la répartition périodique des rizières. Aussi, les volumes de règles juridiques consistent-ils en des ensembles de règles répressives (ritsu) et de commandements civils ou administratifs (ryô), assurant, chacun dans son domaine, la réalisation de cette organisation socio-économique.

Par ailleurs, la sinophilie japonaise se manifeste encore de manière notoire à un second moment. Sous l’ère Tokugawa (1603-1868), en réaction aux influences européennes qui, par le prisme des colons portugais et des missionnaires, mettent en danger l’ordre social japonais, le confucianisme est admis comme doctrine officielle.

B/ La féodalité japonaise (850-1868 ap. J.-C.)

A partir du milieu du IX e siècle, la répartition des terres, telle que l’empereur l’avait prévue dans ses ritsu-ryô, est mise à mal par la féodalité. Peu à peu, l’empereur perd tout pouvoir, pour finalement ne plus être que le symbole religieux de l’union du peuple et du divin. La société s’organise alors autour des seigneuries (shô ou shôen) et le pouvoir passe aux mains des nobles les plus puissants (shôgun et dai-myô). Ceux-ci forment une caste militaire (buke, bushi, samouraï) dominant une hiérarchie de vassaux et de sous vassaux devant une soumission absolue à leur seigneur et vivant selon un droit coutumier propre (buke-hô). Le système juridique est alors dual : tandis que la noblesse suit son code de chevalerie, la roture continue de répondre à l’ancienne réglementation impériale.

A partir du XIV e siècle, suite à une période d’anarchie et au pouvoir grandissant des guerriers locaux (jitô), les ritsu-ryô tombent en désuétude. Le droit personnel des nobles demeure seul en vigueur. C’est pourquoi, le système juridique, tout en restant féodal, est alors dit « unitaire ». Cependant, le droit reste un phénomène mal perçu et sa pratique une activité dévalorisée. En effet, le shôgun évite aussi souvent que possible de trancher les litiges qui lui sont soumis et les sujets ne se virent jamais reconnaître un droit à saisir les tribunaux. Pareillement, il n’y eut au Japon, ni écoles de droit, ni avocat, ni notaire, ni juge qui se distingua du reste des fonctionnaires. Seule durant l’époque d’Edo (1600-1868), s’exerça une certaine activité législative des cours supérieures (Hyôjôsho).

II/ Les formes du droit moderne : entre réception de techniques occidentales et persistance de la tradition

La période du droit moderne s’ouvre en 1868 avec l’ère Meiji. Toute la société japonaise est alors refondue, renouvelée. Toutefois, il convient de ne pas se méprendre : derrière des formes modernes, analogues au modèle occidental (A), la tradition juridique japonaise persiste (B).

A/ La codification du droit

La réception du droit occidental est visible principalement dans l’emprunt fait par le Japon de la technique de codification. Dès 1869, on entreprend de traduire les codes français, avec toutes les difficultés que cela comporte, eu égard à l’absence de juristes japonais et au manque d’équivalents dans les langues et concepts. L’année 1872 marque l’amorce préparatoire d’une série de codes organisant le droit privé. Un code pénal et un code d’instruction criminelle sont promulgués en 1882 sur le modèle français, et en 1890 un code d’organisation judiciaire et un code de procédure civile sur le modèle allemand. Le code civil est promulgué en 1898, influencé par les travaux préparatoire au code civil allemand (Bürgerlisches Gesetzbuch). Puis suivra le code de commerce en 1899.

Le droit public est lui aussi réformé en profondeur d’une part par une série de lois  (liberté des cultures (1871), liberté de vendre des terres (1872), nouvelle division du pays en département (ken) (1890), nouvelle organisation des communes (1888)) et d’autre part par l’octroi par l’empereur à ses sujets d’une nouvelle constitution (1889).

kenpo
^ Un extrait de la constitution
La proclamation de la nouvelle constitution par l’empereur Meiji >>
kenpo
meijikenpo
kenpo
^ Les célébrations qui ont suivi la mise en place de la constitution >>

Au sortir de la seconde guerre mondiale, la Japon a procédé à d’importantes réformes de son droit. Toutes, d’inspiration américaine, visent à établir la démocratie libérale au Japon et prennent pour fondement une nouvelle constitution (1946).

B/ La résistance japonaise au droit

Si le droit actuellement en vigueur au Japon peut sembler très occidental, il n’en demeure pas moins qu’il est implanté dans une société à la tradition très particulière. En adoptant des législations étrangères, les dirigeants japonais n’avaient nullement l’intention de transformer la manière de vivre de leur peuple, mais simplement le désir de développer le pays sur un plan économique. C’est pourquoi, sous les apparences d’une législation semblable à la nôtre, les Japonais font-ils preuve de particularisme, un particularisme qui leur est propre, fruit de leur culture et de leur histoire. Ainsi, les gens restent-ils généralement réfractaires au droit et aux solutions relativement uniformes que celui-ci induit. Cette mentalité s’observe à deux niveaux : d’une part l’activité législative y est beaucoup plus réduite qu’en Occident (en moyenne 1.500 lois par an en France, contre 123 au Japon pour l’année 1986), et d’autre part le nombre de procès intentés est de loin inférieur au nôtre.

Un grand Merci à Guillaume Boudou pour cet article !

Auteur : Guillaume Boudou

Dernière révision: 2005

Sources :

  • En langue française : Noda ( Y.), Introduction au droit japonais, 1966 / Wang (D.), Les sources du droit japonais, 1978
  • En langue anglaise : Oda (H. ), Japanese Law, 1992 / Tanaka (H.), The Japanese Legal System, 1976 / Von Mehren (A .) (dir.), Law in Japon, 1963