Introduction
Japonaise          vivant dans un pays étranger, je me suis aperçue que          les gens avaient de fausses informations sur mon pays.          Quelquefois cela me fait rire, mais d’autre fois c’est          vraiment offensant. Je comprends ces malentendus.          Il n’est pas étonnant que les occidentaux ont tendance          à considérer les pays asiatiques comme une seule grande          Asie aux mêmes racines, parce que nous, les asiatiques,          avons plus de choses en commun, non seulement dans          notre apparence mais aussi dans nos coutumes et nos          cultures. Le Japon est à l’Asie ce que la France est          à l’Europe. Ce que je veux vous montrer ici, cependant,          ce sont les grandes différences entre le Japon et          le reste de l’Asie. J’espère que les gens ayant l’occasion          d’ouvrir cette page et de la lire, auront ainsi une          vision plus juste du Japon.
L’histoire          du Japon à ses débuts reste très obscure, pleine de          légendes et sous l’influence du continent. Il est          donc difficile de dire clairement comment le Japon          s’est construit en tant que nation. Cependant, il          est une chose que l’on peut affirmer concernant la          religion : nos ancêtres croyaient en l’animisme, et          cette croyance basée sur la nature a contribué à forger          nos caractères. Ainsi, comprendre notre religion,          c’est aussi comprendre ce qu’est la culture japonaise.
Quand          on vous demande quelle est la religion du Japon, pouvez-vous          répondre ? La réponse pourrait être aussi bien le          shintoïsme que le bouddhisme. Le shintoïsme est notre          religion originelle. Celle-ci façonne profondément          notre façon de penser. Quant au bouddhisme, c’est          une religion étrangère, arrivée du continent vers          le Japon au début du 5ème siècle. Dans cet article,          je vais vous donner plus de détails sur chaque religion          et vous expliquer comment elles coexistent à présent.          J’ai appuyé mes informations sur le livre «  Nihon-Tashinkyo-no-Fudo          » (la pensée autour du polythéisme japonais), écrit          par Nobuhiro Kubota (éditions PHP Shinsho).
Les          dieux au Japon
Quand          nous sommes demandés comment sont nos dieux, nous          montrons simplement un sanctuaire tranquillement construit          au milieu de la forêt ou une statue bouddha dans un          temple. Cependant, ce ne sont pas les dieux eux-mêmes.          Ainsi, nous ne pouvons pas les décrire exactement.          En fait, nous ne les avons jamais vu sous une forme          bien définie.
Selon          le Kojiki, le plus vieil ouvrage d’histoire au Japon,          achevé en 712, contenant légendes et vielles histoires,          le paradis et la Terre furent créés à partir du chaos          de l’univers et en même temps trois dieux furent nés.          Amenominakanushi-no-kami dirigeait alors le paradis          et la Terre, Takamimusuhi-no-kami avait le pouvoir          de créer toutes choses, et enfin Kamumusuhin-okami          avait ce même pouvoir. Ensuite, leurs descendants,          Izanagi-no-kami et Izanami-no-kami apparurent sous          formes humaines, et après leur mariage, l’île du Japon          fut créée. Non seulement les îles mais aussi un certain          nombre de dieux furent créés par eux. Un dieu dirigeait          les roches et le sol, un dieu était en charge de la          mer, un dieu supervisait les directions de vents,          un dieu administrait la quantité de pluie à pleuvoir,          et bien d’autres étaient affectés aux montagnes, aux          champs, à la nourriture, au feu, et ainsi de suite.          Tous ces dieux étaient la nature elle-même. En d’autres          mots, la mer, les montagnes, les rivières, les rochers,          le vent, le feu, la nourriture et toutes les éléments          de ce monde étaient considérés comme les autres apparences          des dieux.
En          particulier les bois et forêts, qui couvrent 60% de          notre territoire, ont une signification importante          pour les japonais, car les montagnes qu’elles recouvrent          produisent de nouvelles vies et nous fournissaient          – et fournissent encore – beaucoup de richesses naturelles.          En plus de cela, grâce aux saisons fortement marquées          du climat, nos montagnes changent d’apparences et          nous laissent de fortes impressions à chaque saison.          Ainsi, nos montagnes sont vivantes. Pour cette raison,          nous croyons fortement que des dieux les habitent.          Nous ne voyons pas les dieux avec nos yeux, mais nous          pouvons les sentir dans les arbres. La sensibilité          japonaise de sentir quelque chose d’invisible fait          que notre perception de la nature est identique à          notre perception de la religion.
Un          autre point remarquable à mentionner est que certains          dieux nous apportent mauvaises fortunes. Par exemple,          une légende nous raconte qu’un dieu possédant une          armée de serpent harcelait les voyageurs, les empêchant          d’emprunter certains chemins. D’autres dieux étaient          assimilés à des typhons, des tremblements de terre          ou des éruption volcaniques. Bon ou mauvais, tous          sont des symboles de la nature.
En          outre, se présentait le cas où un dieu possédait différents          caractères. Considérez l’histoire suivante : un dieu          vivait dans une montagne et les habitants des alentours          essayaient de développer la région. Mais le dieu n’aimait          pas que les gens viennent le déranger et se mit en          colère. Aussi, les habitants construisirent un temple          au pied de la montagne pour l’honorer et le satisfaire.          Par la suite, ils purent vivre paisiblement, le dieu          se chargeant de leur protection.
L’exemple          ci-dessus montre qu’un dieu menaçant peut devenir          protecteur si seulement il est traité avec respect.          Ainsi, encore de nos jours, quand nous construisons          une nouvelle maison ou une nouvelle usine, nous avons          une cérémonie particulière appelée « Chishin-sai »          pour saluer le dieu de la région. Si vous avez la          chance de visiter le Japon et de voir un bâtiment          comme un hypermarché, montez sur le toit. Vous trouverez          probablement un sactuaire miniature là-haut. Même          dans un coin d’un site industriel, un petit sanctuaire          se tient discrètement. Au Japon, les dieux sont partout.

Une usine et son sanctuaire shinto
Un          autre aspect spécifique aux dieux japonais est qu’ils          peuvent se déplacer, se transférer vers un endroit.          N’ayant pas de forme réelle, aucune distance ne leur          est un obstacle. Rien n’empêche donc les gens, dans          leurs prières, de faire appel à plusieurs dieux pour          résoudre un problème particulièrement grave.
Quand          nous visitons un sanctuaire, nous achetons aussi une          amulette. Un morceau de bois ou de papier se trouve          à l’intérieur. Ce n’est pas un simple morceau de bois.          Le dieu du sanctuaire demeure dans ce morceau, sous          une de ces multiples et omniprésentes apparences.          Garder ceci sur nous signifie rester en permanence          en contact avec le dieu.
Taoisme          et le Yin Yang
Ces          légendes dans le Kojiki font penser à la théorie du          Yin Yang, qui était le principal point de vue sur          le monde et la vie dans l’ancienne Chine. Dans cette          théorie, il est cru que les forces positives et négatives          s’imbriquent parfaitement et donnent naissance à toutes          choses. Les esprits ne s’affrontent pas, mais s’additionnent          tous, créant un grand pouvoir capable de produire          les choses et les vies pour le bien.
A          cette idée dans l’ère du temps, les japonais qui considéraient          déjà leurs dieux comme invisibles ont pu lui trouver          une signification concrète.
Le          taoïsme a eu aussi beaucoup d’influence sur notre          religion. Shindo, qui est traduit en shintoïsme, notre          religion, était l’un des termes religieux dans le          taoïsme. Shindo était destiné à devenir religion au          2ème siècle en Chine et devint plus tard remarquable          avec sa doctrine qui révélait « la vérité du monde          des dieux ». Autre exemple, le dieu de l’univers est          appelé « Tenko » en taoïsme, d’où l’origine de « Ten-no          », utilisé pour désigner l’empereur en japonais.
Kagami,          un miroir, est aussi un exemple intéressant. Objet          sacré, il fut porté par Tenko. Il y a longtemps, les          gens qui pénétraient dans une montagne se devaient          de garder un miroir sur eux pour se protéger. Ils          croyaient que Kagami avait un pouvoir spécial pour          réfléchir le mal invisible. Ce qui signifie que Kagami          peut montrer la vérité. Dans les sanctuaires japonais,          Kagami est d’ailleurs souvent présent, et comme vous          pouvez le deviner maintenant, nous, les japonais,          croyons que nous pourrions y apercevoir un dieu invisible.
Polythéisme          et monothéisme
Le          Japon possède beaucoup de montagnes et est entouré          par la mer et l’océan. Nous dépendons de cette nature          et en tirons profit. Nous avons ainsi l’opportunité          de pouvoir sentir la force de la vie et il est naturel          pour nous de croire que différents dieux existent          parce que nous savons que cette nature vit. Dans des          pays où les gens ont une vie dure, où le climat est          ingrat, il est plus difficile de voir la vie dans          la nature. Leurs habitants peuvent difficilement voir          la force de la vie, et, dans un tel endroit, ils ont          besoin d’un unique et tout puissant dieu qui gouverne          toutes choses, y compris la nature. Le dieu et la          nature ne sont pas dans ce cas de forces égales. Les          gens croient que le dieu a créé la Terre elle-même.          En ceci, nos points de vue sont très différents.
Je          pense que pour la plupart de japonais il est difficile          de comprendre pourquoi des gens sont en train de se          battre à cause de leurs religions. Nous pouvons accepter          les dieux des autres religions, puisqu’il ne nous          est pas étonnant que d’autres dieux existent en dehors          du Japon. Mais le contraire semble impossible. Non          seulement s’entretuer mais détruire la nature signifie          pour nous tuer des dieux. Voir des bombes lancées          sur des êtres humains me dégoûte et me rend vraiment          désolée pour le ou les dieux qui se trouvent en ces          lieux, et il en est ainsi du point de vue japonais.
Une          dernière chose. Dans le passé, un prêtre japonais          ne tuait même pas un moustique, parce qu’il ressentait          de la pitié pour cette vie en transition. Nous avons          un proverbe, « issun no mushi nimo gohu no tamashii          » : même un petit insecte a une vie, donc vous ne          devriez pas le considérer comme petit. Tous les animaux,          insectes, arbres, fleurs, pierres, vent, eau, feu,          l’air que vous êtes en train de respirer à l’instant          et toutes les choses autour de vous ont une raison          d’être et sont gouvernées par un dieu. Il va sans          dire que, nous, les hommes, sommes une de ces choses.          Si nous savons accepter et respecter chaque chose          et chaque personne, nous serons alors en parfaite          harmonie avec la nature.