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De retour à Tokyo, ce que j’ai trouvé de changé

Voilà plusieurs années que je n’étais plus allé à Tokyo, ma belle-famille résidant dans une ville assez reculée du Kansai – soit à peu près 5h en train ce qui n’est pas rien…

Du coup j’ai pu noter deux changements particulièrement notables :

  • l’accueil aux étrangers a été nettement amélioré :
    maintenant, les lieux importants sont aussi indiqués en anglais, en mandarin et coréen.
    Dans le métro, les annonces vocales pour les arrêt sont aussi traduites en anglais. C’est vrai que choisir son trajet et acheter son ticket de métro reste toujours aussi difficile, mais là ça ne risque pas trop de changer vu que cela est aussi complexe pour un japonais (ceci est principalement du au fait que les lignes sont gérées par plusieurs entreprises privées).
    Bref, c’est un déjà un pas important de fait, tout à fait cohérent avec la politique d’ouverture touristique amorcée pendant le gouvernement de M. Koizumi.
  • la circulation automobile :
    j’ai également trouvé que la circulation automobile, du moins dans le centre, avait fortement chutée. J’ai aussi trouvé, probablement en conséquence, l’air très propre malgré les 40°C qu’on a dû subir lors de notre visite. Il y a 4 ans j’avais trouvé l’air relativement chargé, mais pas cette fois. C’est en tout cas assez remarquable pour une ville aussi gigantesque que Tokyo. Je n’ai pas d’information très précise, mais la mairie a notamment interdit l’accès au véhicules les plus polluants. Cette loi plus la probable modernisation du parc automobile ont vraisemblablement porté leurs fruits.

Parlez-vous fraponais ?

Peut-être en avez-vous déjà entendu parler… Sinon, si vous êtes jamais allé au Japon, je suis sûr que vous voyez déjà quel sera le sujet de cet article.

Fraponais est la contraction de “français” et “japonais”, pour exprimer l’utilisation qui est faite du français au Japon.

L’invention de ce mot ne me revient, et j’ignore qui l’a créé. Mais en le tapant simplement sur Google, vous trouverez un certain nombre de sites et de blogs traitant du sujet.

Cela vous suprendra peut-être, mais il est vrai qu’il n’est pas rare de déceler des mots français lors de son séjour au Japon. Soit ils sont écrits en romanji, soit phonétiquement en katakana.

Pourquoi ? Dans l’imaginaire des japonais, le français rime avec chic. Sur un produit, en particulier cosmétique ou culinaire, cela exprime avec un certain degré de sophistication. D’un point de vue marketing en tous cas, ce qui n’a pas échappé aux entreprises.

Maintenant, pourquoi ne pas tout simplement dire qu’ils utilisent du français ? Et bien, il faut le reconnaître, c’est du français à la sauce japonaise. En fait, personne n’étant en mesure de comprendre le mot, seule la sonorité importe. Du coup, on retrouve des fautes d’orthographe énormes ou des mots utilisé à tord et à travers.

Cela donne lieu à des situations très amusantes, dont voici quelques illustrations :

Des noms de résidences…


Maison Espoir

Je cherche encore le sens…

Grande Maison

Non, ce n’était pas un restaurant !

Des commerces…


A bientôt ! (restaurant)

Le Saint-Pierre, un restaurant français

Pas d’erreur ici, nous sommes bien dans une gare.

Un magasin de vêtements

Un salon de coiffure !

Autres…


Je ne savais pas que le curry était…

… une spécialité française !

Du pain

Un calendrier…

Ce n’est qu’un aperçu, car j’en ai vu bien d’autres (dont des plus hors propos), mais je n’ai pas toujours l’appareil photo sur moi.

Ceci dit, je reviendrai de temps en temps compléter ce florilège !

Mais attention , ne vous moquez pas trop !!! D’abord nous faisons de même avec certains mots anglais ou italiens sur bien des produits. Mais le pire est avec les kanjis, que l’on retrouve un peu partout de nos jours ! Gastronomie, mobilier, objet décoratif, vêtement, etc.

Savez-vous vraiment ce qu’ils veulent dire ? En tous cas, dans la rue, bien des personnes arborant fièrement des T-shirts semblent l’ignorer.

L’autre jour, et ce n’est que l’exemple le plus récent, nous avons trouvé quelqu’un portant un T-Shirt avec un énorme kanji blanc sur fond noir signifiant : Hémoroïdes !!!

Volontaire ou pas de la part des concepteurs de ce T-shirt (probablement made in China) ? Là est la question. En tous cas, faites attention quand vous achetez ce type de T-shirt… ou abstenez-vous…

La pensée japonaise et la religion

Introduction

Japonaise vivant dans un pays étranger, je me suis aperçue que les gens avaient de fausses informations sur mon pays. Quelquefois cela me fait rire, mais d’autre fois c’est vraiment offensant. Je comprends ces malentendus. Il n’est pas étonnant que les occidentaux ont tendance à considérer les pays asiatiques comme une seule grande Asie aux mêmes racines, parce que nous, les asiatiques, avons plus de choses en commun, non seulement dans notre apparence mais aussi dans nos coutumes et nos cultures. Le Japon est à l’Asie ce que la France est à l’Europe. Ce que je veux vous montrer ici, cependant, ce sont les grandes différences entre le Japon et le reste de l’Asie. J’espère que les gens ayant l’occasion d’ouvrir cette page et de la lire, auront ainsi une vision plus juste du Japon.

L’histoire du Japon à ses débuts reste très obscure, pleine de légendes et sous l’influence du continent. Il est donc difficile de dire clairement comment le Japon s’est construit en tant que nation. Cependant, il est une chose que l’on peut affirmer concernant la religion : nos ancêtres croyaient en l’animisme, et cette croyance basée sur la nature a contribué à forger nos caractères. Ainsi, comprendre notre religion, c’est aussi comprendre ce qu’est la culture japonaise.

Quand on vous demande quelle est la religion du Japon, pouvez-vous répondre ? La réponse pourrait être aussi bien le shintoïsme que le bouddhisme. Le shintoïsme est notre religion originelle. Celle-ci façonne profondément notre façon de penser. Quant au bouddhisme, c’est une religion étrangère, arrivée du continent vers le Japon au début du 5ème siècle. Dans cet article, je vais vous donner plus de détails sur chaque religion et vous expliquer comment elles coexistent à présent. J’ai appuyé mes informations sur le livre « Nihon-Tashinkyo-no-Fudo » (la pensée autour du polythéisme japonais), écrit par Nobuhiro Kubota (éditions PHP Shinsho).

Les dieux au Japon

Quand nous sommes demandés comment sont nos dieux, nous montrons simplement un sanctuaire tranquillement construit au milieu de la forêt ou une statue bouddha dans un temple. Cependant, ce ne sont pas les dieux eux-mêmes. Ainsi, nous ne pouvons pas les décrire exactement. En fait, nous ne les avons jamais vu sous une forme bien définie.

Selon le Kojiki, le plus vieil ouvrage d’histoire au Japon, achevé en 712, contenant légendes et vielles histoires, le paradis et la Terre furent créés à partir du chaos de l’univers et en même temps trois dieux furent nés. Amenominakanushi-no-kami dirigeait alors le paradis et la Terre, Takamimusuhi-no-kami avait le pouvoir de créer toutes choses, et enfin Kamumusuhin-okami avait ce même pouvoir. Ensuite, leurs descendants, Izanagi-no-kami et Izanami-no-kami apparurent sous formes humaines, et après leur mariage, l’île du Japon fut créée. Non seulement les îles mais aussi un certain nombre de dieux furent créés par eux. Un dieu dirigeait les roches et le sol, un dieu était en charge de la mer, un dieu supervisait les directions de vents, un dieu administrait la quantité de pluie à pleuvoir, et bien d’autres étaient affectés aux montagnes, aux champs, à la nourriture, au feu, et ainsi de suite. Tous ces dieux étaient la nature elle-même. En d’autres mots, la mer, les montagnes, les rivières, les rochers, le vent, le feu, la nourriture et toutes les éléments de ce monde étaient considérés comme les autres apparences des dieux.

En particulier les bois et forêts, qui couvrent 60% de notre territoire, ont une signification importante pour les japonais, car les montagnes qu’elles recouvrent produisent de nouvelles vies et nous fournissaient – et fournissent encore – beaucoup de richesses naturelles. En plus de cela, grâce aux saisons fortement marquées du climat, nos montagnes changent d’apparences et nous laissent de fortes impressions à chaque saison. Ainsi, nos montagnes sont vivantes. Pour cette raison, nous croyons fortement que des dieux les habitent. Nous ne voyons pas les dieux avec nos yeux, mais nous pouvons les sentir dans les arbres. La sensibilité japonaise de sentir quelque chose d’invisible fait que notre perception de la nature est identique à notre perception de la religion.

Un autre point remarquable à mentionner est que certains dieux nous apportent mauvaises fortunes. Par exemple, une légende nous raconte qu’un dieu possédant une armée de serpent harcelait les voyageurs, les empêchant d’emprunter certains chemins. D’autres dieux étaient assimilés à des typhons, des tremblements de terre ou des éruption volcaniques. Bon ou mauvais, tous sont des symboles de la nature.

En outre, se présentait le cas où un dieu possédait différents caractères. Considérez l’histoire suivante : un dieu vivait dans une montagne et les habitants des alentours essayaient de développer la région. Mais le dieu n’aimait pas que les gens viennent le déranger et se mit en colère. Aussi, les habitants construisirent un temple au pied de la montagne pour l’honorer et le satisfaire. Par la suite, ils purent vivre paisiblement, le dieu se chargeant de leur protection.

L’exemple ci-dessus montre qu’un dieu menaçant peut devenir protecteur si seulement il est traité avec respect. Ainsi, encore de nos jours, quand nous construisons une nouvelle maison ou une nouvelle usine, nous avons une cérémonie particulière appelée « Chishin-sai » pour saluer le dieu de la région. Si vous avez la chance de visiter le Japon et de voir un bâtiment comme un hypermarché, montez sur le toit. Vous trouverez probablement un sactuaire miniature là-haut. Même dans un coin d’un site industriel, un petit sanctuaire se tient discrètement. Au Japon, les dieux sont partout.

autel de  prière

Une usine et son sanctuaire shinto

Un autre aspect spécifique aux dieux japonais est qu’ils peuvent se déplacer, se transférer vers un endroit. N’ayant pas de forme réelle, aucune distance ne leur est un obstacle. Rien n’empêche donc les gens, dans leurs prières, de faire appel à plusieurs dieux pour résoudre un problème particulièrement grave.

Quand nous visitons un sanctuaire, nous achetons aussi une amulette. Un morceau de bois ou de papier se trouve à l’intérieur. Ce n’est pas un simple morceau de bois. Le dieu du sanctuaire demeure dans ce morceau, sous une de ces multiples et omniprésentes apparences. Garder ceci sur nous signifie rester en permanence en contact avec le dieu.

Taoisme et le Yin Yang

Ces légendes dans le Kojiki font penser à la théorie du Yin Yang, qui était le principal point de vue sur le monde et la vie dans l’ancienne Chine. Dans cette théorie, il est cru que les forces positives et négatives s’imbriquent parfaitement et donnent naissance à toutes choses. Les esprits ne s’affrontent pas, mais s’additionnent tous, créant un grand pouvoir capable de produire les choses et les vies pour le bien.

A cette idée dans l’ère du temps, les japonais qui considéraient déjà leurs dieux comme invisibles ont pu lui trouver une signification concrète.

Le taoïsme a eu aussi beaucoup d’influence sur notre religion. Shindo, qui est traduit en shintoïsme, notre religion, était l’un des termes religieux dans le taoïsme. Shindo était destiné à devenir religion au 2ème siècle en Chine et devint plus tard remarquable avec sa doctrine qui révélait « la vérité du monde des dieux ». Autre exemple, le dieu de l’univers est appelé « Tenko » en taoïsme, d’où l’origine de « Ten-no », utilisé pour désigner l’empereur en japonais.

Kagami, un miroir, est aussi un exemple intéressant. Objet sacré, il fut porté par Tenko. Il y a longtemps, les gens qui pénétraient dans une montagne se devaient de garder un miroir sur eux pour se protéger. Ils croyaient que Kagami avait un pouvoir spécial pour réfléchir le mal invisible. Ce qui signifie que Kagami peut montrer la vérité. Dans les sanctuaires japonais, Kagami est d’ailleurs souvent présent, et comme vous pouvez le deviner maintenant, nous, les japonais, croyons que nous pourrions y apercevoir un dieu invisible.

Polythéisme et monothéisme

Le Japon possède beaucoup de montagnes et est entouré par la mer et l’océan. Nous dépendons de cette nature et en tirons profit. Nous avons ainsi l’opportunité de pouvoir sentir la force de la vie et il est naturel pour nous de croire que différents dieux existent parce que nous savons que cette nature vit. Dans des pays où les gens ont une vie dure, où le climat est ingrat, il est plus difficile de voir la vie dans la nature. Leurs habitants peuvent difficilement voir la force de la vie, et, dans un tel endroit, ils ont besoin d’un unique et tout puissant dieu qui gouverne toutes choses, y compris la nature. Le dieu et la nature ne sont pas dans ce cas de forces égales. Les gens croient que le dieu a créé la Terre elle-même. En ceci, nos points de vue sont très différents.

Je pense que pour la plupart de japonais il est difficile de comprendre pourquoi des gens sont en train de se battre à cause de leurs religions. Nous pouvons accepter les dieux des autres religions, puisqu’il ne nous est pas étonnant que d’autres dieux existent en dehors du Japon. Mais le contraire semble impossible. Non seulement s’entretuer mais détruire la nature signifie pour nous tuer des dieux. Voir des bombes lancées sur des êtres humains me dégoûte et me rend vraiment désolée pour le ou les dieux qui se trouvent en ces lieux, et il en est ainsi du point de vue japonais.

Une dernière chose. Dans le passé, un prêtre japonais ne tuait même pas un moustique, parce qu’il ressentait de la pitié pour cette vie en transition. Nous avons un proverbe, « issun no mushi nimo gohu no tamashii » : même un petit insecte a une vie, donc vous ne devriez pas le considérer comme petit. Tous les animaux, insectes, arbres, fleurs, pierres, vent, eau, feu, l’air que vous êtes en train de respirer à l’instant et toutes les choses autour de vous ont une raison d’être et sont gouvernées par un dieu. Il va sans dire que, nous, les hommes, sommes une de ces choses. Si nous savons accepter et respecter chaque chose et chaque personne, nous serons alors en parfaite harmonie avec la nature.